Une action collective des restaurateurs face aux frais de commission "abusifs" des émetteurs de tickets-resto

Face à des taux de commision abusifs, un syndicat professionnel intente une action collective contre les quatre opérateurs historiques par ailleurs encore condamnés en 2019 à verser 414 millions d’euros

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Laurent Amalric Publié le 28/05/2021 à 19:00, mis à jour le 28/05/2021 à 19:14
Illustration. Photo Philippe Arnassan

Votre adresse préférée pour s’attabler ne prend pas les tickets-restaurants? Pas étonnant. Les émetteurs sont depuis des années dans le viseur des professionnels. Ou de l’administration.

Fin 2019, encore, l’Autorité de la concurrence considérait dans sa décision n°19-D-25 que les sociétés historiques de titres-restaurants et la CRT (organisme qui traite les titres afin de les rembourser aux professionnels) ont commis des pratiques anticoncurrentielles.

Coût de l’addition-sanction: 414 millions d’euros (1)!

Le GNI (Groupement National des Indépendants de l’hôtellerie et de la restauration) ne compte pourtant pas en rester là.

La voici qui lance, relayée par sa branche varoise et azuréenne, une action collective pour "obtenir réparation du préjudice causé par les pratiques anticoncurrentielles" en cours depuis des années.

Troisième condamnation

"C’est la troisième condamnation après 1980 et 2001 pour Edenred France, Up, Natixis Intertitres et Sodexo. L’Autorité de la Concurrence a jugé que ces émetteurs se sont entendus depuis 2002 pour restreindre l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché, limiter la concurrence entre eux et freiner le développement des titres-restaurants. Qu’ils avaient par ailleurs procédé à des échanges d’informations commerciales par l’intermédiaire de la Centrale de Règlement des Titres (CRT), et que ces émetteurs ont pris des accords pour verrouiller le marché et freiner le développement du numérique", détaille Christiane Thibault, présidente varoise du GNI et vice-présidente de Région.

Selon le syndicat, ce manque de concurrence n’a fait qu’élever les frais de commissions devenus "abusifs".

Si l’on inclut les frais bancaires, ils peuvent atteindre jusqu’à 5% de la note réglée par le client, même si certains varient de 1,5 à 3,5% en fonction de plusieurs facteurs (conditions de collecte, délais de remboursement, appartenance à un syndicat, etc.).

Indemnisation à partir de 2002

D’où une action coordonnée devant le tribunal de Commerce de Paris qui compte bien fédérer le plus grand nombre. D’autant qu’elle ne coûte rien aux restaurateurs incités à s’inscrire sur une plateforme dédiée (accessible via le site du GNI), les frais étant pris en charge par le cabinet TransAtlantis qui les représente.

Quelque mille restaurateurs ont déjà rallié la cause.

L’objet de la procédure risque de provoquer quelques "maux de ventres" chez les sociétés visées, puisque le GNI demande tout bonnement une indemnisation portant sur l’ensemble des commissions touchées depuis 2002. 70% de la somme collectée sera reversée aux restaurateurs lancés dans la bataille.

Se rapprocher des commissions bancaires

"Une commission acceptable serait pour nous de l’ordre de 0.4 à 0.5%, c’est-à-dire proche d’une commission bancaire classique. Je pense que cela ouvrirait les tickets-restaurants à davantage d’établissements sur nos territoires car encore beaucoup y sont réfractaires", note la présidente six-fournaise.

Fait moins avouable, pour d’autres restaurateurs, c’est aussi un moyen de sélectionner la clientèle car certains considèrent encore cette manie de dégainer ces bouts de papier ou carte de paiement dédiée comme l’apanage d’une clientèle "peu attractive" commercialement...

"Si les taux de commissions sont abaissés et qu’il existe une harmonisation des opérateurs pour que le professionnel n’ait qu’un seul interlocuteur quelle que soit la société émettrice, alors je ne vois pas pourquoi snober ce système. Dans la période compliquée que l’on vit, c’est toujours de l‘argent!", conclut Christiane Thibault, sagement pragmatique.

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(1)Un appel est en cours de jugement.

Christiane Thibault, présidente du GNI au côté de Susie Magand du Cuneo à Toulon, qui ne prend plus les tickets restaurant pour cause de commissions trop élevées. Photo L.A..

"Pour nous, ce n’était plus rentable"

L’avis de Susie Magand, gérante du Cunéo.

Posté au Mourillon, à Toulon, à 300 mètres de la mer, le Cunéo de Susie Magand a fait le choixd’en finir avec les tickets-restaurant à Toulon. Arguments à l’appui.

Quand et pourquoi en finir avec les tickets restaurant?

C’était en 2019. Le pourcentage prélevé était devenu beaucoup trop important. Près de 4 % ! Pour une note sur un plat du jour où le coefficient est déjà faible, ce n’était plus rentable…

N’y a-t-il pas d’autres facteurs?

Si, du côté de la gestion comptable les tickets papier sont un vrai casse-tête et en plus les délais de remboursement sont très longs.

Avez-vous perdu des clients depuis cet arrêt?

Oui c’est vrai, certains ont râlé… À nous de savoir compenser par d’autres tables. Et c’est ce qui s’est passé. Nous avons développé les repas d’affaires où les gens s’attardent au-delà de 14 h pour leur réunion, etc. Par ailleurs nous travaillons avec 75 % d’une clientèle locale qui sont des habitués et viennent ici parce qu’ils sont dans un endroit où l’on a envie de se poser. Les actifs qui prenaient un plat du jour vite fait ne nous font donc pas trop défaut pour l’instant.

Quel taux serait acceptable pour que vous reveniez dans le système?

Pour l’heure j’adhère à la procédure collective du GNI. Un taux qui n’irait pas au-delà de 2,5 % serait jouable pour nous.

6 milliards

Au niveau national, le secteur des titres-restaurant représente plus de 6 milliards d’euros par an, soit 700.000 titres déjeuner que quelque 4 millions de salariés d’entreprises utilisent auprès de 200.000 restaurants ou boulangeries agréés.

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